C'est quelqu'un qui m'a dit que le premier album de Carla Bruni a 20 ans

Un mannequin passant des défilés au micro ? Tout le monde pense inévitablement à Carla Bruni, auteur d'un album qui, qu'on l'aime ou pas, a marqué une génération. Pourtant, ce n'est pas la première à s'être essayée à l'exercice : dès 1994, son amie Naomi Campbell publiait son premier (et dernier) album "Baby Woman", avec un succès critique plus que tiède (en dépit du fait qu'il se soit vendu à... 1 million de copies). 

C'est dans ce contexte un peu misogyne (un mannequin ne saurait pas penser et encore moins écrire des chansons) que sort par surprise "Quelqu'un m'a dit", premier album de Carla Bruni sur le label Naïve, avec l'aide d'un ex connu comme un vieux guitariste de rock un peu dépassé (Louis Bertignac). A priori, tout cela est un peu trop téléphoné. Sauf que le disque prouve rapidement à ses détracteurs que celle qui fête alors ses 35 ans possède des cordes vocales et des paroles au niveau de son physique. Résultat : 2 millions d'exemplaires vendus et plusieurs titres qui vont rapidement s'imposer dans la France alors chiraquienne.

Dans une veine folk, loin du boucan des podiums, Carla Bruni étonne par sa maturité et la simplicité des titres. On pense notamment à Quelqu'un m'a dit, Raphaël (écrit pour son compagnon d'alors, Raphaël Enthoven), La Noyée, titre méconnu (et pourtant sublime) de Serge Gainsbourg ou encore Le plus beau du quartier. Le disque fait mouche, se vend à 100 000 copies en un seul mois et vaudra à la Franco-italienne une Victoire de la musique en 2003 dans la catégorie artiste féminine de l'année. 

Sacrée surprise pour celle qui était persuadée qu'elle "en vendrait trois ou quatre", et petite revanche personnelle pour cette Carla qui, 20 ans plus tard au micro de FranceInfo, avoue : 

"Tout le monde se gondolait gentiment quand j'ai sorti l'album parce que comme j'étais assez connue comme mannequin, même très connue, il y avait une image qui s'entreposait entre ma musique et moi. [...] J'imagine que les spécialistes pensaient que c'était une espèce de one-shot d'album de mannequin écrit par quelqu'un d'autre. Et ils se sont rendus compte qu'en fait, j'écrivais tout."

Plus Joni Mitchell qu'Eddy Mitchell, la mannequin réussira donc ce tour de force consistant en une reconversion, à 35 ans, en musicienne d'abord moquée, puis reconnue. Tant pis si son deuxième album ("No Promises") se vendra quatre fois moins; au moins Carla Bruni aura gagné son pari contre les élites toujours un peu machos et, sans dire qu'elle était féministe avant l'heure, prouvera qu'une folkeuse peut gagner le droit d'entrée à l'Elysée : cinq ans après ce premier disque, elle rencontrera celui qui deviendra son fan numero uno : Nicolas Sarkozy.

Pour revoir notre interview de Carla Bruni réalisée en 2020, c'est ci-dessous.